dimanche 23 août 2020

Un emprunt au passé 5

Épisode 5 - Ça sent la fin du monde ! Un point de vue du XIVe siècle
#nature #environnement #écologie #société #collapsologie #Deschamps #poésie #ballade #médiéval
Précédents emprunts : 1 - 2 - 3 - 4
Dans la même logique quelque peu pessimiste du précédent article, je remonte encore plus loin dans le temps pour rencontrer Eustache Deschamps, un poète qui n'est pas toujours tendre avec les puissants de son temps au point d'avoir quitté leurs cours et gagner ainsi en liberté d'expression.
Il laisse à la postérité une œuvre colossale dont la plus grande partie est conservée dans le manuscrit FR 840 (Bibliothèque Nationale à Paris), un pavé de presque six cent folios soit mille deux cents pages !
La ballade qui suit (n°1493 dans le manuscrit), malgré une forme que certains jugeront désuète, a néanmoins quelque chose de prophétique, démontrant - s'il en était encore besoin - que plonger dans les écrits anciens (merci internet qui en facilite l'accès) n'est pas un abîme où fuir, mais au contraire une source précieuse pour alimenter toute saine et sereine réflexion et aborder en toute philosophie - optimiste ou pessismiste selon nos respectives et intimes approches -, le monde d'aujourd'hui et plus encore ceux de demain.
nota bene : dans la mesure où le texte original est fort lisible, pour nous autres qui, théoriquement, avons été nourri.e.s à l'École de la République et, à ce titre, maîtrisons grammaire et orthographe ; je ne résiste pas à livrer le texte dans sa graphie d'origine, ne serait-ce que pour en préserver la saveur et la science.
Je remercie par avance les grincheux et obsédés du Bescherelle de ne pas sombrer en ire profonde 😉.
Pour la clarté du texte, j'ai cependant semé quelques ponctuations.
Enfin, j'invite tout lecteur à admirer la virtuosité quant à respecter la forme de la ballade, regrettant - en ma connaissance actuelle - qu'il n'y ait point quelque musique composée sur ce texte. Toute information à ce sujet m'intéresse : sources manuscrites, transcriptions…
De la grant mutacion des temps et abreviacion de toute nature et approuchement de fin de monde
Les temps, les ans, les meurs, les gens,
Les bestes et tous animaulx,
Les terres, les quatre elemens,
Les complections corporaulx,
Toutes les vertus cardinaulx,
Les arbres, les fruis, les poissons,
Les prez, les blez, vins et moissons,
Et le genrre en toute nature
Diminuent et les saisons :
Toute chose se desnature.
Automnne, yver, esté, printemps
Et tous les climats principaulx,
Du monde varie li temps;
Trop sont les pechiez generaulx
D’argent querir, estaz, joyaulx ;
Envie, orgueil, detractions
Regnent et dissolucions,
Toute couvoitise et ordure ;
La fin de ce monde approuchons :
Toute chose se desnature.
La foy, la loy sont vaxillens
Par noz pechiez et pour noz maulx ;
Met Dieux sur nous guerre et contemps,
En l’eglîse, entre les royaulx,
Et envie, pour noz deffaulx,
Froidures, inundacîons,
Pestillences, divisions,
Mortalitez, famine dure.
Mais pour ce ne nous amendons :
Toute chose se desnature.
Envoi
Princes, se bien considerons
Noz pechiez, les pugnicions
Que Dieux envoie a creature
Devers lui nous amenderons,
Ou autrement tuit perirons :
Toute chose se desnature.
Ce quint emprunt au passé ne nuit pas à mon envie de souhaiter un beau dimanche à quiconque, ni au plaisir quant à recevoir toutes réactions de toutes natures, en termes courtois s'entend.

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