dimanche 2 février 2020

Février fait vriller les cœurs...
ou l'enchantement amoureux

Enchantement n'est point forcément mot de mise en ce début de février 2020 puisque, de nouveau, l'Angleterre s'éloigne du continent.

Historique pour les uns, hystérique pour d'autres, ce premier jour de mois est donc synonyme de rupture, a contrario d'un climat précocement printanier qui incite à entamer tous travaux préparatoires aux futures récoltes de l'année. ­

Ainsi voit-on les humains s'en retourner aux champs et profiter in situ du réveil de la nature. Sans aucun doute se laissent-ils charmer par les premiers gazouillis d'oiseaux dont la préoccupation première est de trouver aimable compagnie pour bâtir nid et fonder famille.

Une telle image bucolique inspire depuis la nuit des temps les poètes, en particulier le bien nommé Geoffroy Chaucer à qui l'on doit d'avoir encouragé en seulement deux vers une coutume devenue tenace quoique sujette à controverse : la Saint Valentin qui se célèbre le 14 février.


For this was on Saint Valentines day
When every fouls cometh to chese his make
Car c'était le jour de la saint Valentin quand chaque oiseau commence à choisir sa compagne

S'il est plaisant de s'inspirer du comportement amoureux des volatiles pour honorer les belles amours humaines, il convient de ne pas être dupe d'une évidente exploitation commerciale contemporaine qui érode grandement le charme de la fête et invite à s'en retourner promptement au Moyen Âge, plus précisément à la fin du quatorzième siècle.
Geoffroy Chaucer
Geoffroy Chaucer (c1340-1400) ne cesse alors d'écrire sans trop se soucier que, de part et d'autre du Channel, les relations sont plus que tendues et dégradées en raison d'un conflit interminable qui débute peu avant sa naissance (1337) et ne cesse qu'en 1453, héritant ainsi dans les livres d'histoire de l'intitulé "Guerre de Cent Ans". C'est au cours de cette dernière que la "Saint Valentin" imprègne l'esprit du poète et prince Charles d'Orléans, lequel est fait prisonnier suite à la retentissante défaite française d'Azincourt (1415).
👈 Charles d'Orléans, captif en la tour de Londres
Ici commence le livre qu'écrit Charles duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre
Retenu Outre-Manche pendant un quart de siècle, il compose une œuvre poétique magistrale dont la singulière balade intitulée "Le beau soleil, le jour Saint Valentin".
Le beau soleil, le jour Saint Valentin / Qui apportait sa chandelle allumée / N'a pas longtemps entra un bien matin / Priveement en ma chambre fermée
L'auteur exprime sa tristesse et son amertume, né de son enfermement, sentiments d'autant plus insupportables qu'au dehors, à la mi-février, les oiseaux crient fort pour assurer les butins d'amours.
Ce jour aussi, pour partir leur butin
Les biens d'Amours faisoient assemblée

Enfin, de retour en France, il partage son temps entre deux de ses châteaux, soit à Tours, soit à Blois. Il se consacre désormais quasi-exclusivement à la littérature, tant comme auteur que comme protecteur et mécène d'autres talents.
Par ses écrits qu'il a rapportés d'Angleterre, dont la balade citée ci-dessus, il contribue à propager sur le continent la coutume du jour de saint Valentin.

Toutefois, se pose une autre question, qu'en pense le dit Valentin ? Et d'abord, qui est-il pour avoir mérité sa canonisation ?

La réponse n'est pas simple car elle est plurielle.

Au siècle où Geoffroy affûte sa plume, neuf Valentin se sont inscrits dans la mémoire chrétienne, avec des existences se répartissant entre les troisième et neuvième siècles.

L'un d'entre eux fut le centième pape. Mais son règne fut court, quarante jours du 1er septembre au 10 octobre 827.

Écartons aussi les Valentin, devenus saints mais qui sont fêtés à d'autres dates.

Reste encore en lice trois bienheureux concernés par le 14 février dont Valentin de Terni qui vécut au troisième siècle.

Ce dernier est moine et prêtre de son état. Il vit sous le règne de Claude II, un empereur romain particulièrement hostile à la religion chrétienne. C'est pourquoi il fait interdire le mariage que cette dernière encourage. L'empereur a aussi en tête qu'en maintenant les hommes en état de célibat, il sont plus disponibles pour être enrôlés dans ses armées.

Le moine Valentin n'a cure de cette loi et s'y oppose en multipliant les cérémonies de mariage. Il ne faut guère de temps qu'il soit arrêté. Lors de son jugement, il refuse toute soumission et, suite à diverses péripéties et miracles que décrivent légendes dont celle dorée de Jacques de Voragine, il finit comme nombre de primo-chrétiens par être martyrisé, sa tête étant tranchée le 14 février 269.

Ayant subi une telle épreuve qui lui fut fatale, espérons que saint Valentin ait assez d'humour et de second degré pour être devenu a posteriori symbole de l'amour, sentiment qui fait si souvent perdre la tête !

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