L'étonnant et picaresque personnage du spectacle « La Fraise » se livre enfin.
La fraise - The strawberry consort
« Ah vous tombez bien ! On manque de plus en plus de médecins dans les campagnes. Votre venue est un bienfait pour le pays.
― C'est que je ne suis pas sûr de faire l'affaire.
― Comment cela ?, avec votre réputation ?
― C'est que j'aimerais en parler et rectifier certaines rumeurs qui circulent.
― Allons donc. Ne faites pas le faux modeste. D'abord, ce ne sont pas des rumeurs, mais des faits.
― Certes… Mais…
― Ah ces gens de talent, tous les mêmes ! Mais je ne vais pas perdre de temps à attendre votre bon vouloir de raconteur. Car, pendant ce temps là, la liste des patients impatients s'accroît. À croire qu'un jour, on ne verra les médecins qu'avec des rendez-vous posés des mois et des mois à l'avance.
― Ce n'est point que je renâcle à raconter. Mais vous aurez du mal à croire à ce que je vais vous dire, je vous assure.
― Êtes-vous donc si indécrotable ? Il est grand temps que je vous rafraîchisse la mémoire. N'est-ce point vous qui, il y a un an, au milieu d'un parterre de soi-disant doctes professeurs des meilleures facultés, gens arrogants et hautains s'il en est, lesquels affirmaient avec superbe que mon grand-père ne passerait pas la nuit, avez osé les contrarier en annonçant qu'il serait rapidement sur pied ?
― Oui, bien sûr. Mais…
― Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que l'aïeul ne manque jamais la danse chaque dimanche que Dieu offre. Il a définitivement oublié le sens du mot fatigue.
― Le concernant, je n'ai aucun mérite. C'est lui qui a une belle nature.
― Nature et santé que d'autres voulaient enterrer. Et mon grand-père n'est pas seul. Plus exactement, vous n'avez jamais eu la moindre erreur de diagnostic.
― Certes, mais je n'y suis pour rien.
― Ben voyons ! À mon sens, c'est que vous avez su retenir juste ce qu'il fallait de vos longues études sans vous encombrer des belles formules qui en imposent en société mais qui ne guérissent pas les malades.
― Ne blâmez pas mes pairs. Parmi eux, il est de grands hommes.
― Mais il en n'est qu'un qui ne se trompe jamais.
― C'est justement de cela dont je veux parler.
― Avez-vous un secret ?
― En quelque sorte.
― Peu importe. Seriez-vous sorcier que la seule chose qui importerait serait le résultat.
― Ne parlez pas ainsi. Je ne veux pas finir au bûcher.
― Vous avez raison. En ce moment, la justice des hommes en use sans compter.
― Et ne parlons pas non plus de religion. Le sujet est trop sensible. Laissez-moi le peu que je sache faire.
― Soigner votre prochain !
― Ou annoncer aussi, hélas, qu'il ne pourra pas s'en sortir.
― Toutefois avec une égale exactitude. Vous êtes le plus honnête et le plus droit des médecins. Mais dites-moi, je n'arrive pas à vous donner d'âge.
― C'est que je ne suis pas né du dernier orage, ni même du dernier couronnement.
― Pourquoi évoquer nos rois ?
― Car je suis né avec l'an 1515, au premier janvier.
― Jour où François Premier…
― Montait sur le trône.
― En voilà un qui n'a pas manqué vous fournir de quoi soigner.
― Ah ça non ! À se chamailler en permanence avec Charles-Quint et Henry VIII, il est à l'origine de milliers de morts et de blessés.
― Sans compter sur les premières répressions contre les protestants.
― Lesquelles finirent par engendrer les guerres de religion.
― Et donc vous procurer du travail !
― Je n'en ai jamais manqué.
― Ce sont les rançons du talent et de la gloire.
― J'ai cependant connu des périodes moins agitées, sans guerre, sans intolérance, parfois même sans épidémie.
― Vous méritiez bien quelque vacance. Avez-vous eu famille ?
― Je me suis marié sur le tard, alors que la France connaissait une décennie plus calme.
― De quoi assurer votre descendance.
― Comme tout le monde avec enfants, puis petits enfants…
― Dont un célèbre.
― Le petit Gabriel ? Connu seulement.
― Et reconnu, je vous l'assure.
― Longtemps après ma mort, je suppose.
― Une quinzaine d'années, tout au plus. Non, non, vous pouvez être fier.
― Savez-vous quand je suis mort ?
― Il me semble que c'est en 1598.
― Le 30 avril.
― Décidément, vous aimez les dates historiques.
― C'est effectivement le jour où le bon roi Henri IV signait l'édit de Nantes.
― Et ramenait la paix dans un royaume épuisé par les guerres de religion.
― Une paix cependant fragile.
― Nourrie de tolérance.
― C'est peut-être de cela dont je suis mort.
― Comment cela ?
― J'ai dû avoir peur de manquer de clients.
― Vous n'en manquerez jamais. Voyez comment je vous ai accueilli.
― Sans vraiment savoir qui j'étais, ni d'où je tenais mon infaillibilité de diagnostic.
― Je finirai bien par le savoir.
― À part moi, il n'y a qu'une personne qui en connaît le secret.
― Peut-être la rencontrerai-je ?
― Vous la rencontrerez. Mais il sera trop tard.
― Quel encouragement !
― C'est ainsi. Mais je connais un autre moyen, plus sûr et sans risque autre que celui d'une saine distraction.
― Cela pourrait me convenir.
― Sauf si vous n'aimez point rire et pas davantage écouter de la musique, qui plus est de mon siècle, telle que je l'ai ouïe au fil du temps.
― Ne me faites pas languir.
― Mon secret, vous en saurez plus en allant voir le spectacle « La Fraise ».
― Du « Strawberry consort ».
― Rien de plus logique.
― Une dernière question.
― Je vous en prie.
― Le petit-fils…
― Tel que je connais les deux artistes du consort, je m'attends à ce qu'un de ces jours, ils m'en donnent des nouvelles*.
* En effet, une quatrième création du Strawberry consort est en cours d'écriture pour une diffusion au plus tôt fin 2020.
Mais c'est un secret tel qu'un enchanteur du patrimoine se doit de garder quelque temps avant d'en faire un aimable et joyeux partage !
La fraise - The strawberry consort
« Ah vous tombez bien ! On manque de plus en plus de médecins dans les campagnes. Votre venue est un bienfait pour le pays.
― C'est que je ne suis pas sûr de faire l'affaire.
― Comment cela ?, avec votre réputation ?
― C'est que j'aimerais en parler et rectifier certaines rumeurs qui circulent.
― Allons donc. Ne faites pas le faux modeste. D'abord, ce ne sont pas des rumeurs, mais des faits.
― Certes… Mais…
― Ah ces gens de talent, tous les mêmes ! Mais je ne vais pas perdre de temps à attendre votre bon vouloir de raconteur. Car, pendant ce temps là, la liste des patients impatients s'accroît. À croire qu'un jour, on ne verra les médecins qu'avec des rendez-vous posés des mois et des mois à l'avance.
― Ce n'est point que je renâcle à raconter. Mais vous aurez du mal à croire à ce que je vais vous dire, je vous assure.
― Êtes-vous donc si indécrotable ? Il est grand temps que je vous rafraîchisse la mémoire. N'est-ce point vous qui, il y a un an, au milieu d'un parterre de soi-disant doctes professeurs des meilleures facultés, gens arrogants et hautains s'il en est, lesquels affirmaient avec superbe que mon grand-père ne passerait pas la nuit, avez osé les contrarier en annonçant qu'il serait rapidement sur pied ?
― Oui, bien sûr. Mais…
― Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que l'aïeul ne manque jamais la danse chaque dimanche que Dieu offre. Il a définitivement oublié le sens du mot fatigue.
― Le concernant, je n'ai aucun mérite. C'est lui qui a une belle nature.
― Nature et santé que d'autres voulaient enterrer. Et mon grand-père n'est pas seul. Plus exactement, vous n'avez jamais eu la moindre erreur de diagnostic.
― Certes, mais je n'y suis pour rien.
― Ben voyons ! À mon sens, c'est que vous avez su retenir juste ce qu'il fallait de vos longues études sans vous encombrer des belles formules qui en imposent en société mais qui ne guérissent pas les malades.
― Ne blâmez pas mes pairs. Parmi eux, il est de grands hommes.
― Mais il en n'est qu'un qui ne se trompe jamais.
― C'est justement de cela dont je veux parler.
― Avez-vous un secret ?
― En quelque sorte.
― Peu importe. Seriez-vous sorcier que la seule chose qui importerait serait le résultat.
― Ne parlez pas ainsi. Je ne veux pas finir au bûcher.
― Vous avez raison. En ce moment, la justice des hommes en use sans compter.
― Et ne parlons pas non plus de religion. Le sujet est trop sensible. Laissez-moi le peu que je sache faire.
― Soigner votre prochain !
― Ou annoncer aussi, hélas, qu'il ne pourra pas s'en sortir.
― Toutefois avec une égale exactitude. Vous êtes le plus honnête et le plus droit des médecins. Mais dites-moi, je n'arrive pas à vous donner d'âge.
― C'est que je ne suis pas né du dernier orage, ni même du dernier couronnement.
― Pourquoi évoquer nos rois ?
― Car je suis né avec l'an 1515, au premier janvier.
― Jour où François Premier…
― Montait sur le trône.
― En voilà un qui n'a pas manqué vous fournir de quoi soigner.
― Ah ça non ! À se chamailler en permanence avec Charles-Quint et Henry VIII, il est à l'origine de milliers de morts et de blessés.
― Sans compter sur les premières répressions contre les protestants.
― Lesquelles finirent par engendrer les guerres de religion.
― Et donc vous procurer du travail !
― Je n'en ai jamais manqué.
― Ce sont les rançons du talent et de la gloire.
― J'ai cependant connu des périodes moins agitées, sans guerre, sans intolérance, parfois même sans épidémie.
― Vous méritiez bien quelque vacance. Avez-vous eu famille ?
― Je me suis marié sur le tard, alors que la France connaissait une décennie plus calme.
― De quoi assurer votre descendance.
― Comme tout le monde avec enfants, puis petits enfants…
― Dont un célèbre.
― Le petit Gabriel ? Connu seulement.
― Et reconnu, je vous l'assure.
― Longtemps après ma mort, je suppose.
― Une quinzaine d'années, tout au plus. Non, non, vous pouvez être fier.
― Savez-vous quand je suis mort ?
― Il me semble que c'est en 1598.
― Le 30 avril.
― Décidément, vous aimez les dates historiques.
― C'est effectivement le jour où le bon roi Henri IV signait l'édit de Nantes.
― Et ramenait la paix dans un royaume épuisé par les guerres de religion.
― Une paix cependant fragile.
― Nourrie de tolérance.
― C'est peut-être de cela dont je suis mort.
― Comment cela ?
― J'ai dû avoir peur de manquer de clients.
― Vous n'en manquerez jamais. Voyez comment je vous ai accueilli.
― Sans vraiment savoir qui j'étais, ni d'où je tenais mon infaillibilité de diagnostic.
― Je finirai bien par le savoir.
― À part moi, il n'y a qu'une personne qui en connaît le secret.
― Peut-être la rencontrerai-je ?
― Vous la rencontrerez. Mais il sera trop tard.
― Quel encouragement !
― C'est ainsi. Mais je connais un autre moyen, plus sûr et sans risque autre que celui d'une saine distraction.
― Cela pourrait me convenir.
― Sauf si vous n'aimez point rire et pas davantage écouter de la musique, qui plus est de mon siècle, telle que je l'ai ouïe au fil du temps.
― Ne me faites pas languir.
― Mon secret, vous en saurez plus en allant voir le spectacle « La Fraise ».
― Du « Strawberry consort ».
― Rien de plus logique.
― Une dernière question.
― Je vous en prie.
― Le petit-fils…
― Tel que je connais les deux artistes du consort, je m'attends à ce qu'un de ces jours, ils m'en donnent des nouvelles*.
* En effet, une quatrième création du Strawberry consort est en cours d'écriture pour une diffusion au plus tôt fin 2020.
Mais c'est un secret tel qu'un enchanteur du patrimoine se doit de garder quelque temps avant d'en faire un aimable et joyeux partage !
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